L’un des grands défis de la lutte contre les violences sexistes et sexuelles est d’éviter leur banalisation, dans la population comme au sein des institutions. Face aux récits terribles (féminicides, viols, violences physiques), la société semble développer une accoutumance à la violence, d’autant plus si elle n’est pas physique. En effet, trop souvent, la parole des victimes n’est pas prise au sérieux lorsqu’elles subissent des violences jugées « moins urgentes » (mobbing, violences économiques, harcèlement, menaces, etc.).
Un autre défi consiste à ne pas confondre la notion de violence avec celle de conflit. Là où le conflit suppose une symétrie des forces et de pouvoir entre les parties, la violence, elle, s’inscrit dans un contexte d’asymétrie – qu’il s’agisse de rapports économiques ou de prestige social. Or, c’est précisément l’écart de pouvoir entre hommes et femmes qui constitue un terrain fertile aux mécanismes de domination, avec des conséquences significatives et durables. L’enjeu est donc d’ouvrir les yeux sur les dangers bien réels de ces violences ordinaires. Comme le rappelait Le Temps (31 mars 2024) : « La plupart des féminicides ont un historique de contrôle coercitif. »
Dans ce contexte, il faut saluer l’adoption au Conseil national (6 mai 2025) du postulat de Martine Docourt « Pour une meilleure prise en considération de la violence psychologique dans les couples ». Ce texte appelle à dresser un état des lieux du contrôle coercitif, non reconnu en droit pénal suisse, mais déjà intégré en Angleterre, en Écosse et bientôt en France.
Le contrôle coercitif repose sur deux dynamiques :
L’exposition prolongée à ces violences a un coût immense pour les victimes (atteinte à la santé, appauvrissement), mais aussi pour la société (aide sociale, engorgement judiciaire).
Dans le canton de Neuchâtel, les signaux d’alerte sont clairs. Le dernier rapport des autorités judiciaires fait état d’une surcharge préoccupante de l’Autorité de protection de l’enfant et de l’adulte (APEA), avec une augmentation de 50 % des dossiers depuis 2011. Or, les séparations impliquant des enfants sont souvent le terreau de la poursuite – voire de l’intensification – des violences domestiques. Malheureusement, le recours à la médiation est souvent préconisé dans ces contextes, bien que cela soit contraire à la Convention d’Istanbul. Par ailleurs, le Service d’aide aux victimes (SAVI) tire lui aussi la sonnette d’alarme. Dans son dernier rapport d’activité, il constate que « les années se ressemblent […] et cela n’est pas forcément une bonne nouvelle ». Submergé par les demandes, le SAVI se voit contraint à des arbitrages douloureux : refuser une aide à une victime pour en soutenir une autre.
La prise en charge des violences basées sur le genre est une priorité politique. C’est même une urgence, vu le nombre spectaculaire de féminicides que connaît la Suisse chaque année. Pour rappel, « toutes les deux semaines, une femme est tuée par son mari, son partenaire, son ex-partenaire, son frère ou son fils, parfois par un inconnu » (stopfemizid.ch). De fait, ce n’est là que la partie émergée de l’iceberg…