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Article du point
Un long chemin de l’esprit et du cœur

C’est avec ces mots que notre camarade Francis Matthey titrait un article pour Le Point en avril 2002, dans un dossier sur la politique migratoire[1].

L’inscription de la politique d’intégration comme mission de l’État et des communes dans la nouvelle Constitution neuchâteloise de 2002 est la consécration des efforts déployés depuis les années 1980, portés par des personnalités de tout bord. Parmi elles, saluons la contribution essentielle de notre camarade Pierre Dubois, dont l’action s’est traduite concrètement par la création d’un poste de Délégué aux étrangers en 1990, la constitution d’une commission consultative et, bien sûr, la loi cantonale sur l’intégration adoptée en 1996, faisant de Neuchâtel un canton pionnier en matière d’intégration.

Cet héritage est précieux. En particulier dans le contexte actuel, qui présente quelques similitudes avec celui d’il y a 30 ans. Comme 1990, l’année 2022 est marquée par des flux migratoires provenant des pays d’Europe de l’Est, par une démographie cantonale un peu « en berne » et par un besoin de main-d’œuvre. En 1990, Neuchâtel avait fait, pour des raisons humanistes mais aussi économiques, le choix de l’intégration. La situation actuelle serait-elle ainsi l’occasion d’un nouvel élan à la politique cantonale d’intégration ? À défaut de répondre de façon péremptoire, un regard croisé « passé-présent-futur » permet d’identifier les principaux défis de cette importante politique publique.

 Malgré 30 ans de politique d’intégration, les discriminations demeurent une réalité. En matière d’accès à l’emploi par exemple, un « testing » mené en 2017 et 2018 a montré que « les personnes issues de minorités ethniques ou raciales doivent envoyer environ 30 % de candidatures supplémentaires pour décrocher un entretien d’embauche »[2] 

La dernière enquête de l’OFS sur le Vivre ensemble en Suisse[3] montre que, même si 64 % de la population estime bonne l’intégration des migrant∙es, un tiers « se sent dérangé par la présence de personnes perçues comme différentes ».

La crainte de « l’autre » n’est probablement pas étrangère aux modifications apportées au cadre législatif fédéral avec les révisions successives de la Loi sur l’asile (LAsi), de la loi sur la nationalité (LN) et de la loi sur les étrangers (LEtr) devenue, au 1er janvier 2019, loi sur les étrangers et l’intégration (LEI). La LEI fait de « l’intégration réussie » non plus un objectif mais bien une exigence à l’obtention ou la prolongation d’un permis. Ce cadre strict constitue une forte pression à l’égard des migrant∙es, en particulier pour celles et ceux en situation de précarité, peu ou mal formés. Relevons néanmoins que ces exigences s’accompagnent aussi de moyens au travers des programmes d’intégration cantonaux (PIC) et de l’Agenda Intégration Suisse (AIS).

Les défis de notre canton dans ces domaines sont nombreux. En particulier il s’agit de préserver l’approche neuchâteloise de l’intégration au sens d’un ajustement réciproque des uns et des autres, personnes étrangères et nationaux, et non d’un processus d’alignement unilatéral de la part des personnes étrangères. Parce que la diversité et l’interculturalité représentent le monde tel qu’il devrait être.

[1] Le Point« Notre dossier sur la politique migratoire », avril 2002.

[2] Racisme en Suisse, Denise Efioanyi-Mäder et Didier Ruedin, SFM, Université de Neuchâtel, 2020.

[3] L’enquête Vivre ensemble en Suisse présente tous les deux ans une image des questions de diversité, de racisme et d’intégration. OFS, 2021.

Un long chemin de l’esprit et du cœur

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