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Twitter et autres réseaux sociaux - plumes libres

Des bienfaits du rachat de Twitter par Elon Musk

Frédéric Mairy, conseiller communal (Val-de-Travers)

Sur le site Internet du PSN figurent les noms des réseaux numériques[1] sur lesquels le parti est, plus ou moins, actif. Il est piquant de relever qu’il s’agit là des seules marques se trouvant dans les pages d’un parti que l’on a connu plus tatillon à ce sujet. Le récent rachat de Twitter par Elon Musk permet de s’interroger sur une telle bienveillance envers ces géants.

Soutien de Donald Trump, Elon Musk est un libertarien convaincu, tenant l’État en faible estime, sauf lorsqu’il s’agit d’en capter des financements. Propriétaire de Tesla (délocalisée de Californie au Texas à des fins d’optimisation fiscale), Musk détient également SpaceX, qui commercialise Starlink et sa ribambelle de satellites, véritables colons de l’orbite terrestre basse fournissant l’accès à Internet.

 Au-delà de la « libération » de « l’oiseau bleu »[2] et d’une partie de ses employé∙es, l’opération menée par Musk témoigne de la volonté, voire de la nécessité pour les acteurs du numérique d’étendre leur rayon d’action. Une stratégie qui se lit aussi dans l’évolution des noms des sociétés mères que sont la très humble Alphabet (dont relève Google) et Meta (qui chapeaute Facebook et Instagram), « meta » signifiant littéralement « tout ce qui englobe ». « Englober » étant un verbe transitif, est-il nécessaire de préciser que son complément en est l’utilisateur∙trice et de souligner que ces entreprises tirent la quasi-totalité de leurs revenus de la publicité ? On se contentera de rappeler l’analyse de Shoshana Zuboff[3], qui a démontré comment « nous sommes les objets d’où sont extraites les matières premières », transformées et revendues par l’ogre GAFAM[4] à ses clients.

 On peine à voir comment la gauche, face à une telle marchandisation des êtres, y retrouve ses petits. D’autant que l’on n’a pas encore évoqué la manière avec laquelle les réseaux contribuent à façonner (et polluer) un monde qui tire parti de nos fragilités physiologiques et cérébrales, appuyant sans relâche sur les mécanismes de l’attention et de la récompense pour maximiser ses profits. Un monde voulu le plus lisse possible, dans lequel, déplore le philosophe Byung-Chul Han[5], « les informations circulent […] sans aucune espèce de lien à la réalité, dans un espace hyperréel », « l’efficacité » ayant remplacé « la vérité ». Musk ne dira pas le contraire ; friand des fake news, il a très tôt fait part de son intention de limiter la modération des messages sur Twitter.

Bref. L’argument classique du recours aux réseaux compte tenu de leur fréquentation justifie-t-il non seulement d’utiliser, mais de promouvoir et de nourrir ceux-ci ? À quand le lancement, du moins le relais par le PS d’une réflexion en faveur d’un vrai réseau social de service public à l’échelle fédérale ? Dans son essai paru en 2018, Shoshana Zuboff notait que face aux mastodontes du numérique, « nous avons perdu notre sens de la stupéfaction ». Elle estimait toutefois qu’il est « possible de le retrouver ». En forçant le trait des réseaux jusqu’à la caricature, Elon Musk nous signale qu’il en est grand temps.

 [1] Il serait bon d’arrêter de qualifier de « sociaux » des réseaux dont le but n’est pas de créer du lien, mais de vendre des données à des annonceurs.

[2] Twitter vient de tweet, gazouillis, gazouiller. D’où le choix du logo.

[3] Shoshana Zuboff, L’Âge du capitalisme de surveillance, éd. Zulma, 2020.

[4] Google (Alphabet), Apple, Facebook (Meta), Amazon, Microsoft.

[5] Byung-Chul Han, La Fin des choses, éd. Actes Sud, 2022.


Les réseaux sociaux, ce mal qui nous tient
À utiliser sans modération, à jeter à la première occasion

Katia della Pietra, vice-présidente du PSN

Addictif, chronophage, antisocial et polluant, je crée des liens entre les gens.

Tentaculaire, je satisfais ton égo et ton estime de toi, je t’épie, te nargue, te flatte.

Toxique, je te happe puis te rejette. Qui que tu sois dans l’arène, de mon pouce je décide si ta vie est attractive ou si elle peut disparaître de celle des autres.

Je suis un instrument amplificateur du néolibéralisme. De toute ma splendeur, je suis le leurre des possibles. Je donne la capacité à qui m’utilise de créer et véhiculer des messages.

Je suis tout cela, un véritable cadeau à l’humanité… et pourtant mes concepteurs sont devenus richissimes, universels et au-dessus des lois. Je suis là, je suis loi et déloyal. Si tu regardes par les fenêtres de mon monde virtuel, c’est à travers mes vitres que tu vas te perdre.

Tour à tour esprits critiques ou vagabond∙es virtuel∙les, parfois errant∙es sceptiques, nous sommes politiques et propagandistes. Ne devons-nous pas aller chercher toutes celles et ceux qui errent ou se baladent au gré des « scrolls », des «métrics » d’engagement, des vues et des impressions ?

Nous, socialistes, pouvons-nous assumer de rendre ces fenêtres numériques borgnes et aveugles, de ne pas être vu∙es et de voir nos projets de société errer à la rencontre de personne ?

Oui, les réseaux sociaux, c’est le mal désincarné.

Comme le pétrole qui pollue et continue de faire avancer les voitures des socialistes aussi…

Comme les marchands de tabacs qui continuent de payer des recettes fiscales…

Comme les médicaments de la pharma destinés majoritairement aux privilégié∙es que nous sommes… Etc.

Obtenons d’abord des GAFAM qu’ils paient des impôts là où ils font bonne pêche publicitaire.

Les élections fédérales approchent. C’est décidé, j’abuserai des réseaux sociaux, j’utiliserai leur pouvoir de diffusion massive pour faire connaître les valeurs et projets socialistes ; un jour, pourquoi pas, pour affaiblir les réseaux sociaux de l’intérieur. Comme tout système qui abuse, celui-ci trouvera ses révolutions. Critiquer et questionner les réseaux sociaux et leur utilisation est une chose saine, s’en passer une aubaine prématurée.

70 % de la population suisse se connecte quotidiennement aux réseaux sociaux. Si nous n’y sommes plus, cela fera de la place pour les autres partis qui s’y expriment largement. Sommes-nous suffisamment fort∙es pour abandonner cette place ? Régulièrement, nous remettons sur le tapis la suppression de l’affichage. Si nous disparaissons du domaine public et des réseaux sociaux, que nous restera-t-il comme visibilité ? Celle des seuls médias agréés, heureusement forcés de maintenir la parité entre les partis ?

Être socialiste ne signifie pas être parfait. Composons avec nos dissonances cognitives en attendant le moment opportun d’un boycott massif ou l’émergence d’un système parallèle vertueux. Une autre révolution digitale est certainement en train de frémir non loin. Soyons-en les acteurs et actrices, tout en acceptant d’ici là de sacrifier nos données sur l’autel de la visibilité.

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