Le parallèle entre misogynie et homophobie repose sur une même volonté de contrôler les corps et les identités. En stigmatisant les femmes et les personnes LGBT+, la société patriarcale affirme sa norme hétérosexuelle et masculine.
La misogynie consiste à dévaloriser, exclure et agresser les femmes en raison de leur genre. L’homophobie fait de même envers les personnes homosexuel·les en raison de leur orientation sexuelle. Ces deux formes de haine s’alimentent mutuellement et prennent racine dans l’hétérosexisme, un système de croyances selon lequel l’hétérosexualité est naturelle et souhaitable, et toute autre configuration déviante.
D’une part, le contrôle du désir et de l’expression genrée : Judith Butler a montré que le genre n’est pas une essence mais une série d’actes normés. Quand les femmes sortent du rôle « féminin » attendu (pudeur, douceur), elles sont punies. Quand des hommes s’inscrivent dans la féminité, l’injure homophobe fuse. L’homophobie sert à rappeler aux hommes « ce qu’il ne faut pas devenir » : féminins, faibles, soumis. Eve Kosofsky Sedgwick a expliqué que l’homosocialité masculine se définit en large partie par la répulsion de tout lien jugé « sexuel » entre hommes.
Ensuite, des conséquences comparables : violences physiques et verbales, isolement social, troubles psychologiques, augmentation du risque suicidaire. Chez les adolescentes et jeunes femmes, la violence sexiste repose sur la même déshumanisation qui expose les personnes queer aux agressions et à la discrimination dans l’emploi, le logement et la santé. Les lesbiennes subissent une double marginalisation : en tant que femmes ET en tant que queer ; les hommes gays sont parfois perçus comme des « femmes » inférieures.
Pour lutter efficacement, il faut adopter une approche intersectionnelle, qui reconnaît la porosité des oppressions :
- Introduire dans les programmes scolaires des discussions sur le genre, la sexualité et les stéréotypes, dès le plus jeune âge.
- Former les professionnel·les (enseignant·es, soignant·es, forces de l’ordre) aux violences sexistes et LGBT-phobes.
- Promouvoir dans les médias et la politique des figures féministes et queer variées, pour déconstruire l’hétéronormativité.
- Renforcer les lois contre les violences sexistes, le harcèlement et la haine anti-LGBT+, et garantir leur application.
- Favoriser la collaboration entre associations féministes, queer, antiracistes et syndicales, pour des actions communes.
- Encourager les hommes à devenir alliés, en déconstruisant la masculinité toxique et en promouvant des modèles de masculinités positives.
C’est en déstabilisant l’hégémonie masculine hétérosexuelle, en rendant visible la pluralité des identités et désirs, que l’on parviendra à briser le lien entre misogynie et homophobie. Une société véritablement égalitaire repose sur la reconnaissance et le respect de chacun·e, quelles que soient son identité de genre et son orientation sexuelle.
Sources :
Judith Butler (1990), Gender Trouble: Feminism and the Subversion of Identity, Routledge.
Eve Kosofsky Sedgwick (1985), Between Men: English Literature and Male Homosocial Desire, Columbia University Press.
Michel Dorais (2000), Mort ou fif. La face cachée du suicide chez les garçons, VLB éditeur.
Caroline Mécary & Daniel Borrillo (2019), L’homophobie, PUF.
Amy Aronson & Michael Kimm (2000), The Gendered Society Reader, Oxford University Press.