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Article du point
Mobilisation, émotions, solidarité

On dit que les évènements vécus avec émotion s’impriment de façon plus marquée et plus durable dans nos mémoires. Autant dire que ce printemps restera gravé dans les nôtres ! Pour chacune et chacun d’entre nous, et collectivement.

Car les doses d’adrénaline n’ont pas manqué depuis le mois de mars, lorsque nous avons toutes et tous été embarqués à bord d’un « grand huit » qui nous a propulsés d’heure en heure dans un tourbillon d’émotions, entre les angoisses, le doute, la tristesse et la colère parfois, mais aussi le soulagement, la fierté et la reconnaissance.

Même si la situation sanitaire est sous contrôle ici et maintenant, la pandémie continue à se répandre tout autour du globe, emportant chaque jour des milliers de vies. Et nous savons que nous ne sommes encore qu’au début d’une crise d’une ampleur sans précédent, dont nous ne pouvons pas encore anticiper les conséquences sociales, économiques et politiques. Donc, de toute évidence, l’heure du bilan n’est pas encore venue. Mais pour nous trois qui signons ce papier, il est précieux de pouvoir d’ores et déjà partager avec vous quelques-unes des émotions que nous avons vécues au sein du gouvernement.

La première est née de la formidable capacité de réaction et d’adaptation de notre pays, de ses institutions, de ses administrations. Une organisation très complexe en apparence, un système fédéral avec trois niveaux décisionnels, une mosaïque de 26 cantons et d’environ 2300 communes, qui ont pourtant, en quelques jours, su inventer et mettre en œuvre des solutions innovantes et sur mesure pour répondre à une crise subite et d’une ampleur que personne n’avait imaginée.

L’administration fédérale qui a piloté l’ensemble a su, depuis l’OFSP, coordonner l’action des médecins cantonaux et des services de santé de tous les cantons. Et depuis la plupart des offices fédéraux, elle a su aussi élaborer un système d’intervention d’urgence avec une rapidité et une intelligence qui forcent l’admiration. De nombreux services cantonaux ont quant à eux été mobilisés presque jours et nuits, dimanches compris, pour assurer la mise en œuvre. Nous pensons ici, par exemple, aux collaboratrices et collaborateurs des services de l’économie, de l’emploi, de la culture, des caisses de compensation et de chômage pour les mesures de soutien à l’économie, mises en œuvre dans des temps records. Nous pensons aux structures d’accueil pré et parascolaire, qui ont eu à cœur de contacter chaque famille dont l’enfant leur était confié avant d’interrompre leurs activités, aux enseignantes et enseignants qui ont passé eux aussi en un week-end de l’enseignement présentiel à un enseignement à distance. Nous pensons évidemment à celles et ceux qui ont imaginé, préparé et coordonné, puis contrôlé, l’ensemble des dispositifs décidés dans l’urgence par les autorités et accompagné les personnes concernées. Nous pensons naturellement à toutes celles et tous ceux qui œuvrent dans le système de santé, dont l’organisation a été revue pendant plus de deux mois presque chaque semaine, si ce n’est chaque jour au plus haut de la crise ; toutes ces personnes qui servent l’État, dont l’engagement et l’adaptation doivent une fois encore être salués. Et aux communes, qui se sont aussi mobilisées et ont pleinement joué leur rôle de proximité, en particulier par une multitude d’actions permettant de lutter contre l’isolement.

Chacune et chacun a mesuré, au gré de ces mobilisations, la chance que nous avons de vivre dans un pays dont les institutions sont robustes et les services publics performants. Et plus personne – ou presque – ne pense à les affaiblir !

Cela étant, les mêmes qualités se sont exprimées dans les familles, qui ont dû se réorganiser pour concilier dans le même lieu de vie les temps du travail à domicile, de l’école à la maison et de la vie familiale.

Ces qualités d’adaptation, nous les avons retrouvées aussi au sein des entreprises, qu’il s’agisse de celles qui ont dû multiplier leurs interventions, à l’instar des services logistiques comme ceux de La Poste, de celles qui ont dû très rapidement adopter des règles de protection, comme les commerces, de celles qui se sont transformées pour ne pas devoir s’arrêter, à l’image de nombreux restaurateurs qui ont continué de produire des repas et les ont livrés plutôt que de les servir dans leur établissement. De leur part, nous retenons l’émotion suscitée par la volonté et le courage, par l’imagination déployée et par l’énergie démontrée pour surmonter la crise. Beaucoup d’entre nous retiendrons aussi que celles et ceux qui animent nos villes et nos villages, qui accueillent les touristes, qui nous coiffent, nous restaurent ou nous dépannent au quotidien exercent des activités fragiles, qui les rendent eux-mêmes vulnérables. Et en conséquence, que les filets sociaux, bien loin d’une garantie de rente pour quelques marginaux, sont avant tout l’expression de la solidarité qui doit exister au sein d’une société soucieuse de sa cohésion et de l’égale dignité de chacun et chacune de ses membres.

L’émotion s’est aussi invitée au moment de décréter, le 18 mars, l’état de situation extraordinaire dans notre canton, dans la suite de la décision du Grand Conseil de ne pas siéger en mars et en avril. Une émotion née de la prise de conscience de la gravité de la situation et du poids de la responsabilité face à la confiance témoignée par le Parlement et par la population. Car si en temps de crise, les rênes ne peuvent pas être tenues par plusieurs dizaines de personnes simultanément, la légitimité de celles et ceux à qui il revient de prendre les décisions urgentes est essentielle. Durant cette période, heureusement limitée, il nous a appartenu de prendre toutes les mesures utiles pour protéger la population et pour maintenir le dispositif de santé en état de servir ; et simultanément de fixer d’importantes limites pour que les restrictions imposées ne dérogent pas aux trois critères qui nous ont servi de références : la nécessité et l’urgence objective (la mesure répond à une indication sanitaire ou sécuritaire qui n’autorise aucun délai), la proportionnalité (la mesure la moins incisive et la moins restrictive pour atteindre un but donné) et la légitimité (les restrictions aux libertés individuelles ne sont le fait que d’une autorité en mesure de rendre compte de son action). Des décisions prises rapidement, mais sur lesquelles nous avons eu à cœur de communiquer systématiquement et sur lesquelles nous rendrons compte de façon circonstanciée en septembre prochain, après l’avoir fait déjà en mai dernier devant le Grand Conseil lorsque celui-ci a repris ses travaux.

Émue, émus, nous le sommes évidemment, en pensant à celles et ceux qui ont perdu la vie ou souffert de la maladie. Et à celles et ceux qui ont dû affronter l’épreuve du deuil sans pouvoir prendre congé de leur proche comme ils et elles l’auraient souhaité. Nous leur adressons ici un message de sympathie particulier.

L’émotion a gravé aussi dans nos esprits et dans nos cœurs les nombreuses démarches de solidarité que cette pandémie a suscitées et révélées. Soutenir une voisine ou un voisin vulnérable, visiter un∙e proche isolé∙e, contacter un parent en quarantaine, faire les courses pour une connaissance âgée : tous ces gestes essentiels ont révélé ou réveillé notre désir de partager et notre besoin de convivialité. Les femmes et les hommes que nous sommes sont des animaux sociaux, nous avons besoin de vivre ensemble bien plus que chacun pour soi.

Cela étant, au-delà des émotions, cette crise nous met au défi dans de nombreux domaines. Elle est par ailleurs riche en enseignements.

D’abord au plan de la solidarité. L’interruption ou le ralentissement, pendant de longues semaines et sur presque toute la planète, de multiples activités économiques pèse fortement sur bien des entreprises, dans notre canton et ailleurs. Des secteurs entiers sont encore à l’arrêt, notamment dans la culture et l’évènementiel. En outre, la crise, avec ses multiples contraintes, a agi comme un accélérateur de transformations. Il en découle une menace majeure sur l’emploi qui impose qu’à tous les niveaux, on renforce les réflexes de solidarité. Des employeurs qui ont été soutenus, nous devons attendre qu’ils mettent tout en œuvre pour conserver un maximum d’emplois, chaque fois que cela leur est possible. À l’égard des commerçants locaux qui nous ont approvisionnés ce printemps, nous devons à notre tour marquer notre reconnaissance, en les préférant aux espaces commerciaux voisins à l’heure de faire nos courses. Et en soutien de celles et ceux que l’on a découverts vulnérables ou qui perdront malgré tout leur emploi, nous devons renforcer le filet social et l’appui à la réinsertion. Un débat s’impose aussi sur les conditions de rémunération de certaines professions, ou plus largement sur les conditions de partage des revenus au sein de notre société.

La solidarité, dans les prochains mois, s’exprimera aussi par les chances que nous accorderons, malgré le ralentissement économique, aux jeunes qui viennent de terminer leur école obligatoire d’entamer une formation et à celles et ceux qui terminent leur formation d’intégrer le marché du travail. La formation de la relève s’avère d’ailleurs essentielle, en particulier dans les métiers de la santé, dont la crise nous a montré la forte dépendance aux formations dispensées ailleurs à l’heure actuelle.

Dans le système éducatif, et même si nous tirons un premier bilan positif d’un enseignement à distance improvisé en deux jours, nous ne pouvons pas occulter les inégalités creusées au sein de la population d’élèves et d’apprenti∙e∙s. L’école est et doit rester le lieu où l’égalité des chances devient effective. Dans les mois à venir, notre force se mesurera à la capacité d’élaborer des mesures susceptibles d’accompagner les jeunes fragilisés par cette crise. Le constat est sans appel, l’école publique a démontré, par l’engagement sans faille du corps enseignant, qu’elle est en mesure de s’adapter même aux situations les plus critiques. Notre responsabilité est plus que jamais de lui donner les moyens logistiques et financiers pour remplir ses rôles de sociabilisation et de transmission des savoirs.

Dans le système sanitaire, les enseignements à tirer sont nombreux aussi : la crise a montré que la collaboration entre les différents acteurs du système peut être renforcée et fluidifiée, au bénéfice des patients. Il nous faudra la susciter, l’encourager et l’entretenir. La mise en place par NOMAD d’au moins un centre de tri infirmier dans chaque région du canton a montré que des progrès significatifs peuvent, sans grands moyens supplémentaires, être réalisés dans l’accès aux soins et dans l’information et l’orientation des patients. La situation vécue dans les plus de cinquante EMS du canton plaide quant à elle pour un renforcement des associations faîtières, un rôle actif de celles-ci dans la formation et la formation continue du personnel de ces établissements et en faveur d’un effort de modernisation des infrastructures des EMS du canton. La pandémie nous enseigne aussi que, si les maladies transmissibles ne sont pas une affaire du passé, leur réapparition violente ne doit pas nous conduire à les opposer aux maladies non transmissibles : en l’occurrence, les victimes les plus nombreuses du Coronavirus sont pour la plupart des personnes souffrant déjà d’affections chroniques et non transmissibles. Cela plaide pour le renforcement des programmes de promotion de la santé et de prévention, qui déploient des effets à moyen et long termes, mais restent le plus sûr moyen de protéger la population contre les circonstances telles que celles que nous venons de vivre.

Ces quelques exemples, parmi d’autres, démontrent que lorsque l’heure du bilan sera venue, il sera essentiel de tirer les enseignements de cette crise sans précédent. Mais avant cela, nous allons continuer à travailler d’arrache-pied, avec toute notre énergie, pour vaincre la maladie, la peur et la tentation du repli, pour préserver la cohésion, pour limiter les dégâts sociaux et économiques, pour recréer une dynamique de prospérité qui associe chacune et chacun. Ce n’est pas l’affaire des autorités seulement, mais de nous toutes et tous.

Plus que jamais, engageons-nous ensemble, au service de notre canton et de sa population !

Mobilisation, émotions, solidarité

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