L’initiative de l’UDC « Pour une immigration modérée », dite de limitation, a un mauvais goût de déjà-vu. Comme en 2014, le parti agrarien, sous couvert de limitation de l’immigration, demande au peuple de se prononcer sur le maintien de l’accord sur la libre circulation avec l’Union européenne. Le texte de l’initiative est formel : « Immigration sans libre circulation des personnes. La Suisse règle de manière autonome l’immigration des étrangers. » Ce qu’il ne dit pas, c’est que les mesures d’accompagnement disparaîtraient aussi.
Élément central des discussions sur la libre circulation, les mesures d’accompagnement ardemment défendues par les syndicats garantissent une protection accrue des travailleurs, notamment grâce aux mécanismes de mise en œuvre, de contrôle et de sanction. Les conventions collectives sont plus nombreuses ; tout travail réalisé en Suisse bénéficie d’un salaire suisse, quelle que soit la nationalité de l’entreprise ou de la personne. La Suisse peut donc se targuer d’avoir le système de protection des salaires le plus développé d’Europe. Dénoncer l’accord sur la libre circulation mettrait les travailleurs en danger, les exposant à une sous-enchère salariale et aux décisions unilatérales des employeurs. La main-d’œuvre de tous les secteurs, du privé et du public, pourrait être confrontée au risque de dumping salarial. L’un des objectifs cachés de l’initiative est de revenir en arrière et redonner aux employeurs les pleins pouvoirs.
En outre, nul ne peut ignorer la fameuse clause guillotine. Liant les sept accords bilatéraux entre eux, elle signifie que dénoncer un accord fait tomber tous les autres. Faut-il le rappeler, les Suisses ont plébiscité à 67,2 % les accords liés par cette clause, dont celui sur la libre circulation. C’était il y a plus de vingt ans, le 20 mai 2000.
La bataille pour contrer l’initiative a démarré au début de l’année avec la mise en garde du Conseil fédéral, puis celles d’economie.suisse, des syndicats, des milieux bourgeois, des entreprises et des milieux scientifiques. Malgré ce que certains veulent croire, la Suisse ne peut pas se permettre d’abandonner les accords bilatéraux conclus avec son principal partenaire. Tous se rappellent les incertitudes générées par le oui du 9 février 2014 à l’initiative UDC « Contre l’immigration de masse » et la difficulté à la mettre en œuvre sans sacrifier des années de discussions et de négociations. La gymnastique politique réalisée par le Conseil fédéral fut alors qualifiée de quadrature du cercle.
Car revoici la supercherie chère au parti de la droite dure : pointer du doigt l’immigration pour atteindre des buts peu avouables. Dénoncée au lendemain de ce tristement célèbre 9 février, il faut la combattre dans cette nouvelle version. Le choix que fera le peuple suisse le 27 septembre, s’il aura des conséquences sur les travailleurs et leurs conditions de travail, concerne avant tout la politique européenne de la Suisse et les relations que nous entretenons avec nos voisins. Ces derniers mois l’ont montré clairement : un pays dont les frontières se ferment est un pays qui souffre.
Le 27 septembre, il ne s’agit pas de dire si l’Union européenne actuelle est celle que l’on souhaite. Il n’est pas non plus question de savoir si l’Europe, on l’aime ou on la quitte. C’est le moment d’affirmer, en disant NON à l’initiative de résiliation, que la place de la Suisse est, qu’elle le veuille ou non, au centre de l’Europe et qu’en préférant la fermeture, elle se créerait de nouveaux obstacles à un avenir de qualité.