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Enjeux et défis de la politique énergétique neuchâteloise

À l’issue d’une année 2022 marquée par la guerre en Ukraine et ses conséquences, ainsi que par la publication du sixième Rapport d’évaluation du GIEC, on se trouve à un tournant majeur du 21e siècle en matière de politique énergétique et climatique. À notre modeste niveau cantonal, le défi est colossal : parvenir à l’horizon 2050 à une société à 2000 watts et atteindre la neutralité carbone, conformément à la conception directrice cantonale de l’énergie 2015[1]. Pour rappel, ce concept vise à réduire la consommation d’énergie primaire jusqu’à l’équivalent d’une puissance moyenne continue de 2 000 watts par personne pendant une année, soit une réduction de plus de 50 % de l’énergie finale actuellement consommée, et les émissions de gaz à effet de serre à 1 tonne équivalent CO2 par personne et par an (contre 5,4 en 2020).

Si le Plan climat du Conseil d’État, en cours de travaux parlementaires, s’annonce d’ores et déjà largement insuffisant pour atteindre ces objectifs, la situation géopolitique internationale aura au moins le mérite de nous contraindre à accélérer une indispensable transition énergétique. L’état des lieux de la situation, selon le dernier monitoring cantonal réalisé en 2020, permet de constater qu’au rythme actuel, il est illusoire de penser atteindre la cible, à moins de modifier drastiquement la trajectoire suivie jusqu’ici.

 Ainsi, sur une consommation d’énergie totale finale cantonale de 4 147 GWh en 2020 et malgré l’impact de la pandémie de Covid-19, l’essentiel de la consommation provient des produits pétroliers, soit des carburants à hauteur de 27 %, soit du gaz (22 %), soit des combustibles à hauteur de 14 %. La consommation d’électricité s’établit à 1 039 GWh (25 % de l’énergie totale finale), dont seuls 29 % émanent des ménages, le reste étant réparti entre l’industrie (48 % !), les services (18 %) ou les transports (2,3 %) ; de manière presque anecdotique, l’agriculture et l’éclairage public représentent respectivement 1,5 % et 0,8 % de la consommation cantonale. 

À noter encore que sur la totalité de l’énergie consommée, 555 GWh seulement (soit 13,4 %) proviennent d’une source renouvelable (dont bois : 38,9 %, hydroélectricité : 21,5 %, incinération de déchets : 13,6 %, solaire photovoltaïque : 10,4 %) et moins de la moitié sert à la production d’électricité. Pour achever ce tableau, relevons enfin que sur les dix années précédentes, la consommation d’énergie finale par habitant a diminué uniquement de 0,8 % par an[2] 

Face à ces chiffres, quelques constats : nous sommes dans notre canton, même à notre petite échelle, démesurément dépendants des produits pétroliers importés pour plus des deux tiers de notre consommation d’énergie, principalement destinés aux transports, au chauffage et à l’industrie. Notre consommation en électricité ne représente que le quart, dont seul un cinquième provient d’énergie renouvelable. Il faut donc agir en priorité sur ces éléments.

Quels potentiels d’amélioration, à titre d’exemples ? Le cadastre solaire du canton a permis d’identifier une production théorique possible de 710 GWh si la totalité des toits servaient à la production d’électricité ; de plus, le même potentiel pourrait être économisé par un assainissement énergétique de l’enveloppe thermique des bâtiments existants, ce qui réduirait de moitié la consommation actuelle d’énergie pour le chauffage. Un potentiel de chaleur et de froid à soutirer à l’environnement de 700 GWh existe également (et n’est utilisé aujourd’hui qu’à moins de 10 %), par la généralisation de systèmes de pompes à chaleur, qui aurait en plus l’avantage de réduire de près de 350 GWh la consommation de combustibles de chauffage. La construction des éoliennes sur les 5 sites retenus permettrait une production annuelle d’au moins 208 GWh. Le transfert du transport automobile individuel et à essence vers un mix de transports publics et de véhicules électriques (ou à pile à combustible à hydrogène) permettrait de diviser au moins par quatre l’énergie actuellement consommée en carburants pétroliers.

Les mesures à prendre impliquent des investissements massifs, à la fois des collectivités publiques, de l’économie et des particuliers, et auront un impact majeur sur la population. Des pistes sérieuses et réalistes existent et doivent être empruntées sans plus attendre, par des mesures fortes et déterminées. Cela implique de convaincre des majorités parlementaires et populaires, pour changer de nombreuses lois et accepter un accroissement de la dette publique. Mais paradoxalement, le risque de renforcer les inégalités sociales déjà existantes est grand, tant dans l’optique d’une transition drastique que dans l’éventualité de l’absence de toute action sérieuse. Il est dès lors indispensable que l’accélération de la transition énergétique cantonale intègre en amont les mesures d’accompagnement social, de formation adéquate et de reconversion professionnelle indispensables pour répondre à ces défis sans précédents ainsi que pour renforcer la résilience et la sobriété de notre société civile.

Notre canton dispose des ressources humaines et économiques pour y parvenir, dans l’intérêt supérieur de l’ensemble de la population actuelle et des générations futures : l’inaction n’est plus une option, alors au boulot !

[1] Adoptée par le Grand Conseil le 24 janvier 2017, dans la suite du rapport 16.022 du 11 mai 2016 du Conseil d’État et du rapport d’experts du 15 avril 2016 (cf. ne.ch/autorites/DDTE/SENE/energie/Pages/Politique-energetique.aspx).

[2] Conception directrice de l’énergie 2015 – Rapport de monitoring 2020 / Statistiques de l’énergie du canton de Neuchâtel 2020.

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