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Des voix qui se sont tues, suite

Dans le dernier Point, Hans-Peter Renk conteste mon texte sur l’Ukraine. Je maintiens mon analyse.

Oui, cette guerre génère un « discours moraliste dominant » qui en cache les enjeux. En opposant « bons » et « méchants », nous peinons à la comprendre et à y trouver une solution. Je renvoie à mon texte Russie vs Occident, un choc de civilisations à relativiser (Le Temps, 9 novembre 2022) : sous couvert d’idéaux brandis de part et d’autre (tous nationalistes), ce conflit s’avère un choc classique d’intérêts géostratégiques. Dois-je m’excuser d’utiliser ici le précepte marxiste selon lequel le monde des idées obéit à des rapports de force économiques ?

Non, je n’ai jamais dit que l’Ukraine devrait céder à l’agresseur, j’évoque même une « nation illégitimement agressée ». Mais je dénonce une course effrénée aux armements, menée sans que s’amorce la moindre perspective de paix et avec l’illusion qu’une nation dotée de l’arme nucléaire pourrait capituler sans conditions. Cela au prix de milliers de morts et avec pour résultats un renforcement des nationalismes et un réarmement massif.

Oui, Jaurès prônait une « politique militaire défensive ». Je souhaite comme lui une défense nationale crédible, je ne milite pas pour « une Suisse sans armée ».

Oui, cette guerre est une « confrontation d’ambitions territoriales ». Elle a commencé quand, suite à la révolution de Maïdan, le nouveau gouvernement ukrainien a voulu mater les régions du Donbass et rediscuter la base russe de Sébastopol. J’étais alors et je suis encore pour une fédéralisation du pays conférant une autonomie à ses régions orientales. Pour la Crimée, ukrainienne par un caprice de Khrouchtchev, il faudrait un référendum sous supervision internationale. Cela dit, je n’ai jamais cautionné le discours poutinien contestant l’identité de l’Ukraine !

Oui, Lénine avait raison de qualifier Staline de « brutal argousin grand-russe ». Mais rappelons qu’entre 1919 et 1922, les léninistes n’ont pas traité tendrement les nations qui leur résistaient.

Oui, l’Ukraine reste un « État gangrené par la corruption ». Ont récemment été incriminés le vice-ministre de la Défense, le président de la Cour suprême et certains de ses juges, d’autres proches de M. Zelensky. Le dire, ce n’est pas nier que la corruption affecte aussi la Russie ni empêcher que nous enquêtions sur les fortunes de ses oligarques. Une enquête qui devrait aussi viser les oligarques ukrainiens, dont certains ont profité du chaos postsoviétique des années 1990 (Porochenko notamment).

Oui, « la liberté syndicale est entravée » en Ukraine, comme le signalait récemment l’USS (sans parler des limites à la liberté de l’information aussi imposées là-bas). Des interdits que certes dénoncent les organisations sociales du pays et une petite gauche socialiste. Mais peuvent-elles ignorer que, si juste soit-elle, cette guerre risque surtout de profiter aux cercles nationalistes et aux élites économiques actuellement aux commandes à Kiev ?

Non, je ne cautionne pas toutes les activités des Comités Ukraine-Suisse. D’accord pour aider les civils affectés. Mais pousser l’Europe à un conflit avec la Russie, exalter le très nationaliste régiment Azov, voilà qui me semble discutable ! Et après avoir toujours dénoncé la réexportation d’engins de mort vers des zones de guerre, je ne vais pas regretter aujourd’hui que notre pays empêche ses clients de réexporter ses armes vers l’Ukraine, assouplissement cher au Centre et au PLR, fidèles alliés des milieux de l’armement…

Des voix qui se sont tues, suite

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