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Critique en pause

« Bateau de migrants italiens arrivant à New York au XX e siècle. » Vous avez peut-être déjà lu cette légende sur Facebook à côté d’une photo en noir et blanc d’un paquebot débordant d’une marée humaine. Cette image veut nous fournir une illustration pertinente des rhétoriques paradoxales de l’extrême-droite : Salvini abandonne des bateaux de migrant·e·s à la mer alors que les Italiens subissaient le même sort il y a quelques décennies. Si le message de fond est louable et juste, son support est fallacieux.

Une recherche sur Google Images nous apprend que ces jeunes hommes sont des soldats américains rentrant au pays après la victoire de 1945… Nietzsche écrirait à ce propos que « La manière la plus perfide de nuire à une cause est de la défendre intentionnellement avec des arguments incorrects » (1). Diffusées par les réseaux sociaux, de nombreuses « vérités alternatives » de ce genre font écho aux alternative facts de la conseillère de Trump. Que ce soit par la voie de la négation de faits scientifiquement prouvés ou celle de la remise en question généralisée des médias, les mensonges d’État et canulars ont toujours existé. Deux éléments les rendent toutefois particulièrement inquiétants aujourd’hui.

D’abord, un climat socio-politique de défiance qui permet à des dirigeants d’être élus démocratiquement sans même avoir besoin de camoufler leurs mensonges électoraux. Le Washington Post s’est par exemple attelé à répertorier scrupuleusement les affabulations du président américain sur un site mis à jour régulièrement (2) : à fin octobre, il en avait déjà cumulé 6420 ! Ces tromperies, dans un pays riche et à la pointe scientifiquement, sont notamment causées par de profondes disparités sociales, de nature à remettre en question la légitimité de la « classe politique » et du quatrième pouvoir.

Le second élément, la numérisation, nous noie dans des réseaux informationnels qui grandissent de manière exponentielle. Plus le temps d’analyser l’information ! Celle-ci défile sans fin devant nos yeux, prendre le temps de la digérer reviendrait à se priver d’une bouchée supplémentaire. Pseudo-médias, complotistes, sectes ou groupuscules fascistes instillent ainsi allègrement leurs idées dans la population.

À côté des annonces mensongères d’attentats ou de vagues migratoires postées par les sirènes de l’extrême-droite, la gauche doit également éviter ces écueils. Récemment partagé par des camarades, un article (3) semble prouver, à partir d’une étude allemande, que les vaccins ont un effet néfaste sur la santé. Si l’étude (4) en question est en effet une analyse sérieuse, l’article de cette prétendue scientifique y pioche des données arbitrairement pour atteindre sa conclusion … contraire à celle (5) de l’étude de base !

En dehors de l’instauration d’une loi anti-fake news à l’instar de la France, qui dépasse le cadre de mon article, notre responsabilité politique nous commande de prendre en compte les réalités scientifiques qui ne nous plaisent pas et de remettre en question les faits qui nous arrangent. Une voie parfois taboue (6) mais nécessaire pour éviter le charlatanisme politique.

1 Die fröhliche Wissenschaft, traduction libre.
2 bit.ly/322_washington.
3 bit.ly/322_vaccins.
4 bit.ly/etude_vaccins.
5 « The prevalence of allergic diseases and non-specific infections in children and adolescents was not found to depend on vaccination status. »
6 Par exemple déclarer, études à l’appui, que l’homéopathie n’a pas plus d’effet qu’un placebo.

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