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Vive la Sécu !

En ces temps de pandémie, quand on appartient à la catégorie des « personnes âgées à risque » (merci : à part le diabète, j’ai tout ce qu’il faut), les occasions de se réjouir se font rares.

Certes, pour se distraire, il y a bien les apparitions quotidiennes du docteur Koch, le boute-en-train de l’Office fédéral de la santé publique, les conférences de presse de Guy Parmelin quand il parle en allemand, Laurent qui propose à Pietro Bugnon de prendre sa place, « juste une semaine », pour voir comment ça fait, ou Jean-Pierre qui explique à Stéphane Garelli les mérites d’un État fort, mais à part ça, l’ambiance générale est plutôt morose. Et ce n’est pas la lettre quotidienne aux aînés publiée dans le journal du coin qui va nous remonter le moral. Parce que dans le genre : « t’en fais pas, grand-papa, je te promets qu’on viendra arroser les fleurs sur ta tombe tous les dimanches », difficile de faire mieux.

Pourtant, le vieux social-démocrate réformiste qui signe ce billet a de quoi se réjouir. Car c’est en de telles circonstances que la nécessité d’un solide système de sécurité sociale saute aux yeux, même à ceux des apôtres de la « responsabilité individuelle » qui découvrent les mérites de l’assurance-chômage ou des allocations pour perte de gain élargies d’un trait de plume aux travailleurs indépendants. C’est qu’elle a du bon, cette bonne vieille « Sécu », comme disent nos amis français, celle dont parle l’article 41 de la Constitution fédérale : 

1. La Confédération et les cantons s’engagent, en complément de la responsabilité individuelle et de l’initiative privée, à ce que:
a. toute personne bénéficie de la sécurité sociale;
b. toute personne bénéficie des soins nécessaires à sa santé;
c. les familles en tant que communautés d’adultes et d’enfants soient protégées et encouragées;
d. toute personne capable de travailler puisse assurer son entretien par un travail qu’elle exerce dans des conditions équitables;
e. toute personne en quête d’un logement puisse trouver, pour elle-même et sa famille, un logement approprié à des conditions supportables;
f. les enfants et les jeunes, ainsi que les personnes en âge de travailler puissent bénéficier d’une formation initiale et d’une formation continue correspondant à leurs aptitudes;
g. les enfants et les jeunes soient encouragés à devenir des personnes indépendantes et socialement responsables et soient soutenus dans leur intégration sociale, culturelle et politique. 

2. La Confédération et les cantons s’engagent à ce que toute personne soit assurée contre les conséquences économiques de l’âge, de l’invalidité, de la maladie, de l’accident, du chômage, de la maternité, de la condition d’orphelin et du veuvage.

3. Ils s’engagent en faveur des buts sociaux dans le cadre de leurs compétences constitutionnelles et des moyens disponibles.

4. Aucun droit subjectif à des prestations de l’État ne peut être déduit directement des buts sociaux.

L’inscription de ce beau programme dans la Constitution, nous la devons à toutes celles et à tous ceux qui n’ont cessé de se battre, depuis la fondation de l’État fédéral, en 1848, pour promouvoir l’idéal de la justice sociale. 

Certes, récolter des signatures pour exiger un financement plus équitable de l’assurance-maladie ou revendiquer l’octroi d’une treizième rente de vieillesse est moins exaltant que de défiler bras dessus bras dessous en chantant Le chiffon rouge ou Bella ciao – l’un n’excluant pas l’autre, d’ailleurs – mais à la fin de la journée, c’est tout de même ce qu’il y a dans l’assiette qui importe.

Ce sont souvent les idées les plus simples qui sont les plus aptes à faire la différence entre la gauche et la droite. Il suffit de relire, par exemple, ce que le Gouvernement français énonçait de manière limpide, au sortir de la guerre, dans l’exposé des motifs de l’Ordonnance du 4 octobre 1945 portant organisation de la Sécurité sociale, pour comprendre à quel point la droite est aveugle en accusant la gauche d’entretenir dans la population une « mentalité d’assistés » au détriment de la « responsabilité individuelle » :

La sécurité sociale est la garantie donnée à chacun qu’en toutes circonstances il disposera des moyens nécessaires pour assurer sa subsistance et celle de sa famille dans des conditions décentes. Trouvant sa justification dans un souci élémentaire de justice sociale, elle répond à la préoccupation de débarrasser les travailleurs de l’incertitude du lendemain, de cette incertitude constante qui crée chez eux un sentiment d’infériorité et qui est la base réelle et profonde de la distinction des classes entre les possédants sûrs d’eux-mêmes et de leur avenir et les travailleurs sur qui pèse, à tout moment, la menace de la misère.

Vive la Sécu !

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