Article du point
Un parti fidèle à ses principes

Le socialisme n’a pas besoin d’allumer sa lanterne pour aller à la recherche d’une morale ; il est déjà, par lui-même et en lui-même, une morale.

Jean Jaurès (1894)

Il y a cinquante ans, il s’est passé à La Chaux-de-Fonds un événement qui, dans l’histoire du Parti socialiste neuchâtelois, n’a rien d’anodin mais qui est sans rapport avec le « Mai 68 » que nous racontent à longueur de pages quelques « héros » autoproclamés qui confondent apparemment 1968 avec 1848 et semblent avoir oublié que la prétendue « révolution » parisienne a débouché sur l’élection de Georges Pompidou à la présidence de la République et sur celle de l’Assemblée nationale la plus à droite de la Cinquième République… 

Or donc, le 19 mai 1968, le résultat des élections communales dans la Métropole horlogère fut le suivant :         

  • Socialistes : 15 sièges (-1)
  • Popistes : 11 sièges (+ 2)
  • Radicaux : 7 sièges (-)
  • PPN (1) : 6 sièges (-1)
  • Libéraux : 2 sièges (-)

 À cette époque, le Conseil communal était élu par le Conseil général. Jusqu’alors, il se composait de trois socialistes, un popiste et un radical. En 1968, le bloc de droite exigea un second siège – pour le PPN ‒ en menaçant de quitter l’exécutif s’il n’obtenait pas satisfaction. De leur côté, les très staliniens dirigeants du POP sommaient les socialistes de ne pas céder à cette menace et se disaient prêts à occuper le siège lâché par les bourgeois.

Un choix difficile

Les socialistes chaux-de-fonniers se trouvaient donc placés devant un choix difficile. Comme on peut le lire dans La Sentinelle du 15 juin 1968, une assemblée de section réunissant 128 camarades, après avoir entendu 25 orateurs, décida par 107 voix contre 14 de renoncer au troisième siège socialiste au Conseil communal puis, par 90 voix contre 30, d’offrir ce siège au bloc bourgeois, en l’occurrence au PPN. 

Ce faisant, les socialistes chaux-de-fonniers se montraient fidèles à eux-mêmes en défendant le principe d’une représentation équitable, sinon rigoureusement proportionnelle, des différentes forces politiques au sein des exécutifs. C’est au nom de ce principe que le Parti suisse était parvenu à faire élire le 17 décembre 1959 deux des siens – Willy Spühler (1902-1990) et Hans-Peter Tschudi (1913-2002) ‒ au Conseil fédéral et que le PSN avait obtenu une victoire historique en faisant entrer le 2 mai 1965 un second socialiste – le Chaux-de-Fonnier Rémy Schlaeppy (1917-2003) – au Conseil d’État (2). De même, vingt ans plus tôt, en 1948, les socialistes chaux-de-fonniers avaient soutenu l’élection du popiste André Corswant (1910-1964) au Conseil communal.

Après les élections des 18 et 19 mai 1968, les suffrages attribués aux différents partis se répartissaient ainsi :

  • Socialistes 30,6 %   (15 élus)
  • POP 22,5 %   (11 élus)
  • Bourgeois 31,1 %   (15 élus)
  • Indépendants15,8 % (aucun élu)et chrétiens-sociaux 

Il ne faisait donc aucun doute que l’équité commandait d’élire un second représentant du bloc bourgeois au Conseil communal, le siège popiste étant acquis. Après diverses péripéties, c’est sur l’agriculteur et député PPN Jacques Béguin (1922-2013) que se porta le choix du Conseil général.

L’article de La Sentinelle qui rapporte ces faits se concluait ainsi :

« Les partis bourgeois nous ont avertis que, si nous ne leur abandonnions pas un siège, ils quitteraient le Conseil communal. Le POP nous a fait savoir que, si nous lui refusions un second siège au profit des bourgeois, il nous « dénoncerait » et nous mettrait en accusation devant la classe ouvrière, pour trahison.

Considérant à juste titre que ces deux chantages s’annulaient réciproquement, NOUS N’EN AVONS PAS TENU COMPTE. Les bourgeois ne nous arrachent pas un siège. C’est nous, socialistes, qui choisissons de le leur donner. Les popistes ne nous intimident pas. S’il leur convient de nous traîner dans la boue de leurs mensonges et de rompre l’unité de la gauche, tout en sollicitant l’apport nécessaire de nos voix pour faire élire l’un des leurs au Conseil communal, libre à eux. Le vrai communisme n’est pas méprisable. Il se pourrait qu’un certain « popisme » le devienne. »

Raymond Spira


(1) Parti progressiste national, issu en 1919 de la fusion des mouvements de droite « Union helvétique » au Locle et « Ordre et liberté » à La Chaux-de-Fonds et qui a lui-même fusionné en 1980 avec le Parti libéral. 

(2) Trois ans plus tard, le 7 novembre 1971, ce sera une nouvelle victoire de l’équité avec l’élection du socialiste Pierre Aubert (1927-2016) au Conseil des États.

Un parti fidèle à ses principes

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