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Le vote électronique, entre promesses et risques

L’expression citoyenne qui émane des urnes constitue un pilier majeur de notre démocratie directe et du système institutionnel helvétique. Depuis sa fondation, notre parti se bat pour étendre le droit de vote à des catégories de population qui en étaient – ou en sont malheureusement toujours – exclues : les femmes, les étrangers et les jeunes en particulier. De même, l’introduction du vote par correspondance puis progressivement du vote électronique avait pour objectif d’accroître la participation aux votations, afin de renforcer la légitimité démocratique des décisions du souverain. Intimement liée au droit de vote, la manière dont celui-ci s’exerce revêt une importance capitale. La légitimité d’un vote populaire dépend principalement de la confiance que l’on peut accorder au dépouillement des urnes et de la garantie absolue de l’intégrité du scrutin, pour que celui-ci soit le reflet exact et fidèle de l’expression de la volonté populaire. 

Dans ce contexte, le vote électronique doit faire l’objet d’une attention particulière. Jusqu’à récemment, ses nombreux avantages (facilité, rapidité, simplicité, accessibilité aux Suisses de l’étranger…) semblent l’avoir emporté sur toute autre considération. Il a d’ailleurs fait l’objet de peu de débats au-delà des spécialistes en informatique, dans les cantons qui l’ont introduit il y a une quinzaine d’années. Mais dans l’intervalle, plusieurs voix critiques se sont élevées. L’opposition a pris en ampleur avec les failles de sécurité majeures annoncées récemment dans le système implanté par La Poste, le seul désormais admis sur le marché en Suisse, qui est fondé sur le logiciel propriétaire développé par Scytl, une société privée espagnole, selon des conditions qui ne sont pas rendues publiques. 

Les mécanismes du vote électronique sont plutôt complexes à appréhender pour des profanes en informatique, soit la grande majorité d’entre nous. Dit de manière simple et rapide, le vote électronique doit répondre à quelques grands principes pour être réputé fiable et bien conçu. Premièrement, la vérifiabilité individuelle : l’intégrité et la confidentialité du vote doivent être garanties, de sorte qu’il ne puisse être ni modifié, ni supprimé, ni empêché, et que l’identité du votant demeure inviolable. Chacun doit pouvoir s’assurer que tout le processus s’est passé correctement et que son bulletin sera bien enregistré tel quel. Deuxièmement, la vérifiabilité universelle : il faut s’assurer et garantir que tous les votes sont dans l’urne (électronique) et n’ont été ni modifiés, ni supprimés, ni multipliés. Troisièmement, le code source du logiciel doit être public et librement accessible, donc transparent, pour garantir que le système ne puisse pas être détourné ou manipulé à d’autres fins. Enfin, il ne faut pas oublier le facteur humain lié à l’organisation : la centralisation de tous les votes dans une seule urne virtuelle, contrôlée par un nombre restreint de personnes, en particulier s’il s’agit de spécialistes, présente un danger sérieux. Une décentralisation des urnes virtuelles avec une multiplication des intervenants permettrait de réduire ce risque. 

Aujourd’hui, la seule solution de vote électronique existant en Suisse n’offre pas les garanties suffisantes pour respecter ces principes. Le système proposé par La Poste présente des failles inquiétantes : les tests réalisés par des spécialistes ont démontré que l’on peut manipuler des votes sans laisser la moindre trace. Par ailleurs, le logiciel développé par Scytl et ses conditions d’utilisation demeurent opaques pour le grand public. Dans ce contexte, le principe de précaution commande de surseoir à l’utilisation de cet outil, non pas définitivement, mais tant et aussi longtemps que l’on ne pourra pas garantir que les grands principes du vote électronique sont respectés. Si le risque zéro n’existe évidemment pas, la démocratie est bien trop précieuse pour être sacrifiée, comme tant d’autres choses hélas, au cynisme des règles du marché. 



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