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Le système de santé suisse, un malade chronique

Le système fédéraliste suisse a donné lieu à des critiques durant la crise Covid-19 : la centralisation des compétences au niveau fédéral était-elle pertinente ? a-t-elle été efficiente ? les cantons auraient-il dû se coordonner davantage ?

Toute crise, on le sait, agit comme une loupe. Si un système est dysfonctionnel en temps normal, il le sera d’autant plus dans des périodes délicates. Et c’est le cas du système de santé.

Rappelons que selon la Constitution, l’organisation du système de santé est une prérogative des cantons, la Confédération ne disposant de presque aucune compétence formelle dans ce domaine. Pourquoi alors les cantons, capables de s’organiser et de se coordonner dans des secteurs aussi complexes que l’école obligatoire et la police (qui sont également de leur compétence), rencontrent-ils autant de difficultés à le faire dans le domaine sanitaire ?

Comme son nom l’indique, la loi sur l’assurance-maladie (LAMal) régit une assurance sociale. Et les assurances sociales sont dans notre pays une prérogative de la Confédération. On se trouve donc en présence d’une compétence fédérale pour régler l’assurance-maladie et d’une compétence des cantons pour régler l’organisation du système de santé. Et comme le Parlement fédéral, au fil du temps – mais surtout au gré des pressions exercées par les multiples lobbys – a multiplié les recours inappropriés à la législation relative à l’assurance sociale pour régler des questions d’organisation, le système n’a plus de pilote.

Du côté de la Confédération, on a écrit dans la loi des règles d’organisation qu’aucune autorité fédérale n’est légitimée à mettre en œuvre, en raison de la compétence prioritaire des cantons. Du côté des cantons, la régulation du système se heurte régulièrement aux limites imposées par la LAMal. Ajoutez à cela le fait que les coûts imposés aux cantons conduisent les gouvernements cantonaux à considérer que tout ce qui n’est pas obligatoire est superflu ; et dès lors, en quelque sorte, à déserter leurs prérogatives d’autorités sanitaires en se positionnant en simples organes d’exécution de la LAMal. Quant aux assurances, elles n’ont aucune légitimité à intervenir dans l’organisation du système.

Au final, un système de santé qui ne connaît aucune limite financière (le financement suit systématiquement la consommation de prestations) ni aucun pilote légitime et qui va donc à la dérive. Une dérive grave, qui traduit l’absence de politique de santé de notre pays et conduit à une impasse financière, en premier lieu pour les ménages qui étouffent sous le poids des primes[1]. Mais qui comporte surtout le risque de remettre en question les trois objectifs de solidarité poursuivis à l’origine de la LAMal : solidarité entre malades et bien-portants, solidarité entre jeunes et aînés, solidarité qui devait assurer des prestations d’égale qualité quel que soit le niveau de revenu.

Entre explosion des coûts, primes impayables, renoncement aux soins, exclusion de l’accès aux prestations, réduction du catalogue des prestations, limites imposées aux politiques de prévention et mauvaise affectation ou pénurie des ressources, le diagnostic du système de santé suisse est celui d’un malade chronique, pour ne pas dire condamné.

Et la seule manière de le sauver serait de légiférer pour doter la Suisse d’une loi de santé, exprimant la volonté de mener une véritable politique de santé publique et de régler clairement les compétences cantonales et fédérales. Mais cette volonté existe-t-elle ?

[1] Les initiatives du PS et du Centre sur ce sujet sont bienvenues pour contenir l’un des symptômes de cette dérive mais ne traitent pas le mal à la racine.

 Le système de santé suisse, un malade chronique

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