Bonne nouvelle : en veille depuis plusieurs années, la mise à jour de la planification hospitalière cantonale a avancé d’une case lors de la dernière session du Grand Conseil. Celui-ci, quasi unanime (une abstention), a adopté les modifications proposées par le Conseil d’État et la commission santé à la loi de santé, qui ancrent dans cette dernière les conditions d’accès à la liste hospitalière[1] et les obligations posées aux institutions qui s’y trouveront.
Il s’agit là de la deuxième étape d’un processus qui en compte trois ; la première a été franchie en 2021 avec l’acceptation, par le Grand Conseil, de l’évaluation des besoins en soins hospitaliers stationnaires de la population. Le Conseil d’État et le service cantonal de la santé publique peuvent désormais s’atteler à terminer le travail, en établissant la liste hospitalière cantonale elle-même par l’attribution de mandats de prestations.
Tout cela semble technique ? Ça l’est. La planification hospitalière s’inscrit dans un cadre très strict, borné par la loi sur l’assurance maladie (LAMal) et la jurisprudence, qui compte notamment l’arrêt de 2021 du Tribunal administratif fédéral à l’encontre du canton (lequel, pour faire court, concluait que Neuchâtel ne peut pas faire figurer, dans les conditions-cadres d’accès à sa liste, le respect des conditions de travail prévues par la CCT Santé 21). La marge de manœuvre politique est faible, inversement proportionnelle au risque de recours de la part des prestataires ou des assureurs.
Le dossier n’a pas fini d’occuper mon département, illustrant s’il le fallait encore la lourdeur administrative qui pèse sur le secteur de la santé, que dénoncent régulièrement les prestataires de soins et à laquelle n’échappent donc pas les autorités sanitaires cantonales. Entre les autorisations à délivrer, la mise à jour des dispositions législatives et réglementaires, les procédures judiciaires (contre l’État ou initiées par lui) ou les tarifs à valider, le boulot ne manque pas.
Rien d’étonnant toutefois. Pour reprendre les mots, percutants et justes, de mon prédécesseur, le système de santé suisse, qui attribue aux cantons la responsabilité de la santé alors même que tout est régi par la LAMal, « n’est actuellement ni gouverné, ni gouvernable »[2]. Le poids démesuré pris par l’administratif et par les tâches avant tout exécutives pour les cantons en est une des conséquences.
En attendant une réforme en profondeur et l’élaboration d’une loi de santé fédérale, que l’on ne voit pas davantage poindre que Godot[3], il est bon de se réjouir de l’avancement des dossiers – ainsi de la 2e étape de la planification hospitalière – et de chercher, dans cette mécanique si complexe, à desserrer de petits boulons sans nuire à la qualité des soins. À l’ordre du jour du Grand Conseil se trouvait ainsi un rapport (non traité) proposant des allégements administratifs dans la levée du secret professionnel et la formation postgrade, favorables à l’État et aux institutions.
Cela ne fera pas venir Godot plus vite, mais c’est déjà ça.
[1] La liste hospitalière répertorie les hôpitaux au bénéfice d’un mandat de prestations octroyé par le canton concerné. La liste neuchâteloise, valable depuis 2016, se trouve ici : ne.ch/autorites/DFS/SCSP/Documents/ListeHospitaliereNE_2016-22_01092023.pdf.
[2] Interview dans Le Temps du 5 février 2023, letemps.ch/suisse/neuchatel/laurent-kurth-systeme-sante-suisse-nest-actuellement-gouverne-gouvernable.
[3] On relèvera toutefois avec satisfaction que parmi les six mesures proposées par l’Assemblée citoyenne 2025, l’introduction d’une loi nationale sur la santé tient une place de choix.