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La gauche doit-elle changer ses tactiques de terrain pour gagner ?

C’est la question posée dans un court essai dont je vous recommande la lecture : Sortir de notre impuissance politique, par Geoffroy de Lagasnerie (Fayard, 2020, 96 pages). Et sa réponse peut sembler sans équivoque : « Ce sont nos manières d’agir qui nous condamnent à la stagnation… »

L’auteur débute par rappeler que nos actions s’inscrivent sur une « scène » politique mais qu’il ne s’agit pas d’oublier, après une manifestation ou une autre action, que la véritable question est non pas de savoir si la « performance » s’est bien déroulée, mais bien plus si elle a été utile pour nos objectifs concrets.

Une posture ambigüe

Cela l’amène à critiquer d’abord notre posture. Alors que les partis de gauche prônent un changement drastique de (ou au moins « du ») système, ils ne cessent de se positionner par rapport à lui. En réagissant de manière défensive aux reculs sociaux ou environnementaux de l’État, on légitimerait la situation qui prévaut, alors qu’elle ne nous convient pas.

Quant à la désobéissance civile, il y a contradiction à s’offusquer d’une réaction punitive de l’État. Sans réaction, en effet, serait-ce de la résistance ? Et devrait-on vraiment définir une « bonne criminalité » alors que les personnes amenées à voler par précarité seraient de « vrais » délinquants destinés à être punis ?

De Lagasnerie conseille de refuser les scènes imposées par le pouvoir en place. S’adresser aux autorités pour tenter de les « sensibiliser » ne sert à rien : leurs choix sont délibérés et inflexibles.

Alors que faire ?

D’abord, contrer le pouvoir sur des terrains où il n’a pas nécessairement l’avantage. L’auteur préconise notamment l’action directe, afin de réaliser soi-même une tâche dont l’État ne s’occupe pas (par exemple aider des sans-papiers). L’Histoire nous enseigne par ailleurs qu’il arrive même aux tribunaux de désavouer le pouvoir en place ; cela désigne la voie judiciaire comme une tactique potentielle.

Ensuite, il s’agit de s’inspirer de celles et ceux qui ont le pouvoir aujourd’hui. Pourquoi les élites libérales y sont-elles majoritaires ? Parce que ce fonctionnement social leur a été inculqué sur les bancs d’université. Nous assurer que les futurs dirigeant∙es partagent nos valeurs implique une présence de la gauche dans les institutions académiques et, plus généralement, une infiltration des autres lieux de pouvoir.

Finalement, l’auteur nous rappelle que l’on peut arriver à modifier la loi, mais qu’un véritable changement de mentalités s’obtient par une présence accrue des militant∙es dans le quotidien des milieux que nous défendons (matchs, fêtes...).

Une démarche essentielle

Voilà donc un essai qui a le mérite de nous questionner sur nos tactiques. J’y déplorerais certes deux lacunes : il néglige l’importance du symbole, il ne prend pas en compte les effets des structures capitalistes sur le fonctionnement de la politique elle-même. Mais il a le grand mérite de nous inviter à analyser nos actions sous un angle utilitariste.

Crédits photographiques : Arjan de Jong

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