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Et après Covid-19?

Rarement une maladie a produit autant de bouleversements en quelques semaines. Alors que la population attend dans l’angoisse la fin de la crise, il convient de se questionner sur le sens à donner à cet évènement planétaire et à ses répercussions.

Apparue en novembre 2019, la maladie à coronavirus due au virus SARS-COV2 était inconnue du public jusqu’au 3 janvier 2020 (BBC). Pourtant le Programme de surveillance des maladies émergentes avait signalé le 30 décembre 2019 une pneumonie d’origine indéterminée dans le Wuhan et des rumeurs circulaient sur les réseaux sociaux. Dès janvier, les annonces inquiétantes s’enchainent : l’OMS annonce un nouveau coronavirus (12.1), le premier cas hors de Chine est découvert en Thaïlande (13.1), le Wuhan est mis en quarantaine (24.1), la France identifie les premiers cas européens (24.1). Et le 25 février, la Covid est officiellement en Suisse...

Nous vivons la crise selon différents points de vue, mais ressentons qu’elle est douloureuse et difficile. Paradoxalement, une crise peut être porteuse d’évolution pour la société si on l’analyse et apprend comment mieux faire face.

Quelles (premières) leçons techniques ?

En 2015, Bill Gates disait déjà que la plus grande menace pour l’humanité étaient les maladies émergentes, pas l’arme nucléaire. On pourrait dire que les moyens ont été insuffisants pour préparer l’humanité à la pandémie. Des scientifiques, des médecins et des paramédicaux vont (re)-demander des soutiens pour améliorer la prévention, développer des tests et des traitements, créer des dis- positifs de lutte... Il faudra mieux les écouter et les soutenir, mais aussi s’attarder sur les faiblesses révélées dans notre pays.

La crainte de manquer de matériel a été vive : solution hydroalcoolique, masques, respirateurs, lunettes, visières, surblouses... Ne plus produire localement a été une contrainte forte, à éviter la prochaine fois. Heureusement, des particuliers et des entreprises ont pu aider : vin devenu désinfectant, imprimantes 3D sortant des visières... Une piste serait de fédérer ces initiatives.

Les entreprises ouvertes se sont globalement efforcées de protéger employés et clients. Parfois un peu approximatives, ces mesures ont au moins permis de diminuer le risque de contagion. Il aurait été intéressant de mettre en lien les indépendants, PME et grandes entreprises pour un travail en réseau, qu’ils partagent matériel et bonnes pratiques. Cela aurait été utile, surtout aux plus petits.

Malgré les difficultés, le semi-confinement helvétique a bien fonctionné, chiffres et statistiques à l’appui. Si la surveillance opérée par la Confédération et Swisscom est garantie anonyme, rien n’est clair quant à Google, Apple et consorts. Qui les surveille? Il serait raisonnable de s’interroger sur une surveillance de masse si facile à organiser par ces géants privés.

Et la souffrance ?

Avec la diminution des cas positifs, les gens vont sortir et reprendre un semblant de vie normale. Cependant la solitude et la souffrance psychique ont marqué certaines personnes plus que d’autres, malgré l’élan de solidarité et de soutien communautaire. Cette fragilisation est inquiétante. Combinée au risque de précarisation lié à la crise économique covidienne, les personnes en souffrance psychique qui ne consultent pas, par honte ou difficulté financière, risquent d’être nombreuses. Nous ne pouvons pas les abandonner.

La solution est peut-être à chercher dans le New York des années 1980. La ville affrontait plusieurs difficultés : fermeture d’hôpitaux et asiles psychiatriques poussant des patients dans la rue, anciens soldats traumatisés, drogues, pandémie de maladies émergentes (VIH, hépatite C), guerres de gangs... Les consultations psychiatriques n’arrivaient pas à toucher tous les « usagers » en détresse, qui ne venaient pas aux urgences saturées, ou ne pouvaient pas attendre le psy. D’où la création des crisis mobile teams pour se déplacer au plus vite au- près des personnes en crise urgente et aiguë. Le modèle a essaimé dans le monde anglo-saxon puis en Europe et en Asie. Les bénéfices humains et financiers de ces équipes préhospitalières hors structures classiques sont confirmés.

Une telle équipe aurait été utile avant Covid-19. Rattachée à un dispositif préhospitalier (ambulance), sa philosophie serait d’intervenir précocement pour éviter hospitalisation et chronicisation. Cette vision positive du soutien psychique se veut peu anxiogène : nous venons chez vous, nous sommes indépendants de l’hôpital psychiatrique. Un modèle simple, économique, efficient, proche des groupes communautaires (associations, clubs, groupes d’entraide...).

Et l’avenir de la santé ?

Se préparer à la prochaine épidémie, voilà ce qu’il faut initier au minimum au moyen de think tanks puis d’actions coordonnées et réfléchies. À Neuchâtel, investir dans les nouvelles technologies au service de l’humain est un choix logique : il existe ici des centres de compétences techniques. Des créations neuchâteloises ont tutoyé les étoiles ! Quels domaines pourraient aider à faire la différence lors d’une crise sanitaire ? Impression 3D/4D, dispositifs d’analyse rapide économes en réactifs, hôpitaux modulaires mobiles, algorithmes de simulation d’épidémie, outils de désinfection, robotique, télémédecine, applications pour la population, drones d’assistance...

Il serait intéressant de réfléchir à notre système de santé. Ne pourrions-nous pas le modifier? Les hôpitaux sont vus comme le cœur du système. Comment se distancer de cette vision ? Un concept intéressant est l’hospitalisation à domicile (HAD), avec des soins aigus à la maison. Des patients sont hospitalisés chez eux, avec surveillance continue des fonctions vitales, consultations de télémédecine et plusieurs passages par jour d’équipes mobiles, y compris la nuit si besoin. Cela dépend de la stabilité et de la gravité de la pathologie, tous ne peuvent en bénéficier. En temps d’épidémie, cela aiderait à protéger les patients en les éloignant de l’hôpital et à « réserver » des lits hospitaliers aux personnes infectées. Sans remplacer l’hôpital, les HAD ajoutent un palier de prise en charge aiguë qui donne plus de marge de manœuvre et évite la saturation des lits, crise ou non.

En parallèle, il faudrait organiser un système préhospitalier pouvant aider les personnes en détresse aiguë, du type crisis mobile teams. Stratégiquement, nous avons tout intérêt à intervenir avant que la souffrance ne submerge les personnes. Humainement, ce dispositif serait bénéfique pour la population. Financièrement, ce serait ausi un bon pari (étude de 2017).

Dans dix ans, on ne parlera peut-être plus de système de santé, mais d’écosystème de santé.

Pour le moment...

La Suisse et ses cantons redémarrent. Des indépendants et des PME risquent de disparaitre. Pourrons-nous continuer comme avant? Ne faudrait-il pas consommer et investir autrement? Être plus local, plus écologique, plus durable, plus social serait un plan d’avenir.

Au-delà des considérations politiques, sociales et économiques, ayons d’abord une pensée pour ceux qui ont perdu la vie face à un ennemi invisible et pour leurs proches. Le moment venu, nous sortirons ensemble pour nous souvenir et débattre.

Et après Covid-19?

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